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lundi 15 octobre 2007

Adam nommant les animaux



La plupart des conceptions que se font ou du moins qu’offrent les philosophes du langage font songer à notre premier père Adam appelant près de lui les divers animaux et leur donnant à chacun leur nom.
[…]
Mais il y a là, implicitement, quelque tendance que nous ne pouvons méconnaître ni laisser passer sur ce que serait en définitive le langage: savoir, une nomenclature d’objets. D’objets d’abord donnés. D’abord l’objet, puis le signe; donc (ce que nous nierons toujours) base extérieure donnée au signe, et figuration du langage par ce rapport-ci :

*—a
Objets { *—b } Noms
*—c

alors que la vraie figuration est : a - b - c, hors de toute connaissance d'un rapport effectif comme *-a, fondé sur un objet. Si un objet pouvait, où que ce soit, être le terme sur lequel est fixé le signe, la linguistique cesserait instantanément d'être ce qu'elle est depuis le sommet jusqu'à la base ; du reste l'esprit humain du même coup, comme il est évident à partir de cette discussion.
Mais ce n'est là, nous venons de le dire, que le reproche incident que nous adresserions à la manière traditionnelle de prendre le langage quand on veut le traiter philosophiquement.

Ferdinand de Saussure
Ecrits de linguistique générale, Gallimard, Paris, 2002, p. 230.