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dimanche 21 octobre 2007

L'inconscient de Lévi-Strauss

En 1958 paraît Anthropologie Structurale de Claude Lévi-Strauss qui rassemble des articles parus antérieurement, dont "Langage et société" d'abord paru en anglais en 1951.
Comme je suis en train de clore une partie de ma thèse sur l'invention de inconscient, comme j'observe sa charge théorique, sa charge critique chez Benveniste (chez Bréal, Saussure, Boas, Sapir), je reviens aussi à ce texte de Lévi-Strauss qui me semble à chaque fois un très bon exemple de la pauvreté de la démarche structuraliste.
Il y a d'abord, au principe de cette démarche, la croyance en des réalités que l'on peut abstraire par procès de science. Ce que Lévi-Strauss appelle ici l'inconscient. Ce qui est privé à la conscience et que seul le savent peut atteindre. Cet inconscient, la structure, évidemment se confond chez Lévi-Strauss avec la représentation mise en oeuvre par la linguistique structurale. Le langage est inconscient, et en cela l'analyse structurale peut l'atteindre, car "nous n'avons pas conscience des lois morphologiques et syntactiques", "nous n'avons pas une connaissance consciente des phonèmes que nous utilisons", "nous somme moins conscients encore - à supposer que nous puissions l'être parfois - des oppositions phonologiques". Et en conséquence, "cette formulation émerge uniquement sur le plan de la pensée scientifique". La schize, elle, se formule ainsi : "Même le savant ne réussit jamais à confondre complètement ses connaissances théoriques et son expérience de sujet parlant". Le vieux principe d'une double-vérité. Même si on se doutait déjà qu'il n'y avait chez Lévi-Strauss aucune théorie du point de vue, aucune théorie du sujet (comme il me le disait lui-même lors d'un entretien, "dans mon anthropologie, il n'y a pas de sujet"), parlant donc du savant, Lévi-Strauss écrit : "Sa façon de parler se modifie fort peu sous l’effet des interprétations qu’il peut en donner, et qui relèvent d’un autre niveau. En linguistique, on peut donc affirmer que l’influence de l’observateur sur l’objet d’observation est négligeable : il ne suffit pas que l’observateur prenne conscience du phénomène pour que celui-ci s’en trouve modifié". Une voix de loin répète "le point de vue CREE l'objet".


"Le langage est un phénomène social. Parmi les phénomènes sociaux, c’est lui qui présente le plus clairement les deux caractères fondamentaux qui donnent prise à une étude scientifique. D’abord, presque toutes les conduites linguistiques se situent au niveau de la pensée inconsciente. En parlant, nous n’avons pas conscience des lois syntactiques et morphologiques de la langue. De plus, nous n’avons pas une connaissance consciente des phonèmes que nous utilisons pour différencier les sens de nos paroles ; nous sommes moins conscients encore – à supposer que nous puissions l’être parfois – des oppositions phonologiques qui permettent d’analyser chaque phonème en éléments différentiels. Enfin, le défaut d’appréhension intuitive persiste, même lorsque nous formulons les règles grammaticales ou phonologiques de notre langue. Cette formulation émerge uniquement sur le plan de la pensée scientifique, tandis que la langue vit et se développe comme une élaboration collective. Même le savant ne réussit jamais à confondre complètement ses connaissances théoriques et son expérience de sujet parlant. Sa façon de parler se modifie fort peu sous l’effet des interprétations qu’il peut en donner, et qui relèvent d’un autre niveau. En linguistique, on peut donc affirmer que l’influence de l’observateur sur l’objet d’observation est négligeable : il ne suffit pas que l’observateur prenne conscience du phénomène pour que celui-ci s’en trouve modifié."

Claude Lévi-Strauss, " Langage et société " (1951), in Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958, pp. 71-72.

lundi 15 octobre 2007

Adam nommant les animaux



La plupart des conceptions que se font ou du moins qu’offrent les philosophes du langage font songer à notre premier père Adam appelant près de lui les divers animaux et leur donnant à chacun leur nom.
[…]
Mais il y a là, implicitement, quelque tendance que nous ne pouvons méconnaître ni laisser passer sur ce que serait en définitive le langage: savoir, une nomenclature d’objets. D’objets d’abord donnés. D’abord l’objet, puis le signe; donc (ce que nous nierons toujours) base extérieure donnée au signe, et figuration du langage par ce rapport-ci :

*—a
Objets { *—b } Noms
*—c

alors que la vraie figuration est : a - b - c, hors de toute connaissance d'un rapport effectif comme *-a, fondé sur un objet. Si un objet pouvait, où que ce soit, être le terme sur lequel est fixé le signe, la linguistique cesserait instantanément d'être ce qu'elle est depuis le sommet jusqu'à la base ; du reste l'esprit humain du même coup, comme il est évident à partir de cette discussion.
Mais ce n'est là, nous venons de le dire, que le reproche incident que nous adresserions à la manière traditionnelle de prendre le langage quand on veut le traiter philosophiquement.

Ferdinand de Saussure
Ecrits de linguistique générale, Gallimard, Paris, 2002, p. 230.

jeudi 11 octobre 2007

Franz Boas, "Unconscious Character of Linguistic Phenomena"


"Of greater positive importance is the question of the relation of the unconscious character of linguistic phenomena to the more conscious ethnological phenomena. It seems to my mind that this contrast is only apparent, and that the very fact of the unconsciousness of linguistic processes helps us to gain a clearer understanding of the ethnological phenomena, a point the importance of which can not be underated. It has been mentioned before that in all languages certain classifications of concepts occur. To mention only a few : we find objects classified according to sex, or as animate and inanimate, or according to form. We find actions determined according to time and place, etc. The behavior of primitive man makes it perfectly clear that all these concepts, although they are in constant use, have never risen into consciousness, and that consequently their origin must be sought, not in rational, but in entirely unconscious, we may perhaps say instinctive, processes of the mind. They must be due to a grouping of sense-impressions and of concepts which is not in any sense of the term voluntary, but which develops from quite different psychological causes. It would seem that the essential difference between linguistic phenomena and other ethnological phenomena is, that the linguistic classifications never rise into consciousness, while in other ethnological phenomena, although the same unconscious origin prevails, these often rise into consciousness, and thus give rise to secondary reasoning and re-interpretations ".

Franz Boas, Introduction to Handbook of American Indian Languages, University of Nebraska Press, Lincoln end London, 1966 p. 63. Le texte paraît à l’origine en 1911 dans le Bulletin, 40, du Bureau of American Ethnology