vendredi 12 décembre 2008

Edward Curtis, 1914




(il n'y avait pas de bande sonore à l'origine)

samedi 6 décembre 2008

mercredi 10 septembre 2008

samedi 30 août 2008

vendredi 29 août 2008

mercredi 27 août 2008

Je ne t’entends plus respirer…

MÉLISANDE : C’est que je regarde…

PELLÉAS : Pourquoi me regardes-tu si gravement ? – Nous sommes déjà dans l’ombre. – Il fait trop noir sous cet arbre. Viens dans le lumière. Nous ne pouvons pas voir combien nous sommes heureux. Viens, viens ; il nous reste si peu de temps…

MÉLISANDE : Non, non ; restons ici… Je suis plus près de toi dans l’obscurité…

PELLÉAS : Où sont tes yeux ? – Tu ne vas pas me fuir ? – Tu ne songes pas à moi en ce moment.

MÉLISANDE : Mais si, mais si, je ne songe qu’à toi…

PELLÉAS : Tu regardais ailleurs…

MÉLISANDE : Je te voyais ailleurs…

lundi 25 août 2008



MÉLISANDE : Si, si ; je suis heureuse, mais je suis triste…

PELLÉAS : On est triste, souvent, quand on s’aime…

MÉLISANDE : Je pleure toujours lorsque je songe à toi…

PELLÉAS : Moi aussi… moi aussi, Mélisande… Je suis tout près de toi ; je pleure de joie et cependant… (Il l’embrasse encore.) – Tu es étrange quand je t’embrasse ainsi… Tu es si belle qu’on dirait que tu vas mourir…

MÉLISANDE : Toi aussi…

PELLÉAS : Voilà, voilà… Nous ne faisons pas ce que nous voulons… Je ne t’aimais pas la première fois que je t’ai vue…

MÉLISANDE : Moi non plus… J’avais peur…

PELLÉAS : Je ne pouvais pas regarder tes yeux… Je voulais m’en aller tout de suite… et puis…

MÉLISANDE : Moi, je ne voulais pas venir… Je ne sais pas encore pourquoi, j’avais peur de venir…

PELLÉAS : Il y a tant de choses qu’on ne saura jamais… Nous attendons toujours ; et puis… Quel est ce bruit ? – On ferme les portes…

MÉLISANDE : Oui, on a fermé les portes…

PELLÉAS : Nous ne pouvons plus rentrer ! – Entends-tu les verrous ! – Écoute ! écoute !… les grandes chaînes !… Il est trop tard, il est trop tard !…

MÉLISANDE : Tant mieux ! tant mieux ! tant mieux !

PELLÉAS : Tu ?… Voilà, voilà !… Ce n’est plus nous qui le voulons !… Tout est perdu, tout est sauvé ! tout est sauvé ce soir ! – Viens ! viens… Mon cœur bat comme un fou jusqu’au fond de ma gorge… (Il l’enlace.) Écoute ! écoute ! mon cœur est sur le point de m’étrangler… Viens ! Viens !… Ah ! qu’il fait beau dans les ténèbres !…

MÉLISANDE : Il y a quelqu’un derrière nous !…

PELLÉAS : Je ne vois personne…

MÉLISANDE : J’ai entendu du bruit…

PELLÉAS : Je n’entends que ton cœur dans l’obscurité…

MÉLISANDE : J’ai entendu craquer les feuilles mortes…

PELLÉAS : C’est le vent qui s’est tu tout à coup… Il est tombé pendant que nous nous embrassions…

MÉLISANDE : Comme nos ombres sont grandes ce soir !…

PELLÉAS : Elles s’enlacent jusqu’au fond du jardin… Oh ! qu’elles s’embrassent loin de nous !… Regarde ! Regarde !…

MÉLISANDE, d’une voix étouffée : A-a-h ! – Il est derrière un arbre !

PELLÉAS : Qui ?

MÉLISANDE : Golaud !

PELLÉAS : Golaud ? – où donc ? – je ne vois rien…

MÉLISANDE : Là… au bout de nos ombres…

PELLÉAS : Oui, oui ; je l’ai vu… Ne nous retournons pas brusquement…

MÉLISANDE : Il a son épée…

PELLÉAS : Je n’ai pas la mienne…

MÉLISANDE : Il a vu que nous nous embrassions…

PELLÉAS : Il ne sait pas que nous l’avons vu… Ne bouge pas ; ne tourne pas la tête… Il se précipiterait… Il restera là tant qu’il croira que nous ne savons pas… Il nous observe… Il est encore immobile… Va-t’en, va-t’en tout de suite par ici… Je l’attendrai… Je l’arrêterai…

MÉLISANDE : Non, non, non !…

PELLÉAS : Va-t’en ! va-t’en ! Il a tout vu !… Il nous tuera !…

MÉLISANDE : Tant mieux ! tant mieux ! tant mieux !…

PELLÉAS : Il vient ! il vient !… Ta bouche !… Ta bouche !…

MÉLISANDE : Oui !… oui !… oui !…

Ils s’embrassent éperdument.

PELLÉAS : Oh ! oh ! Toutes les étoile tombent !…

MÉLISANDE : Sur moi aussi ! sur moi aussi !…

PELLÉAS : Encore ! Encore !… donne ! donne !…

MÉLISANDE : Toute ! toute ! toute !…

Golaud se précipite sur eux l’épée à la main, et frappe Pelléas, qui tombe au bord de la fontaine. Mélisande fuit épouvantée.

MÉLISANDE, fuyant : Oh ! oh ! Je n’ai pas de courage !… Je n’ai pas de courage !…

Golaud la poursuit à travers le bois, en silence.

dimanche 24 août 2008

Vous avez allumé les lampes,
- Oh! Le soleil dans le jardin!
Vous avez allumé les lampes,
Je vois le soleil par les fentes,
Ouvrez les portes du jardin!

- Les clefs des portes sont perdues,
Il faut attendre, il faut attendre
Les clefs sont tombées de la tour,
Il faut attendre, il faut attendre,
Il faut attendre d'autres jours...

D'autres jours ouvriront les portes,
La forêt garde les verrous,
La forêt brûle autour de nous,
C'est la clarté des feuilles mortes,
Qui brûlent sur le seuil des portes...

- Les autres jours sont déjà las,
Les autres jours ont peur aussi,
Les autres jours ne viendront pas,
Les autres jours mourront aussi,
Nous aussi nous mourrons ici...

dimanche 20 juillet 2008

dimanche 13 juillet 2008

samedi 12 juillet 2008

mardi 8 juillet 2008

Approchons-nous une dernière fois des destinées obscures

Je sais, je sens que vivent en moi plusieurs réincarnés. J'ignore la foule de mes ancêtres qui m'ont précédé dans les ténèbres des siècles et qui, humbles bourgeois, petits artisans ou artisans obscurs, n'ont pas laissé de trace dans la mémoire des hommes. Peut-être en est-il un qui me domine et me dirige à mon insu plus nettement que les autres, parce que je le représente directement sur la terre

dimanche 22 juin 2008

vendredi 8 février 2008

Instress

April 22. But such a lovely damasking in the sky as today I never felt before. The blue was charged with simple instress, the higher, zenith sky earnest and frowning, lower more light and sweet.

Inscape (Hopkins again, 1871)

End of March and beginning of April - This is the time to study inscape in the spraying of trees, for the swelling buds carry them to a pitch which the eye could not else gather - for out of much much more, out of little not much, out of nothing nothing : in these sprays at all events there is a new world of inscape.

As kingfishers - Gerard Manley Hopkins


As kingfishers catch fire, dragonflies draw flame ;
As tumbled over rim in roundy wells
Stones ring ; like each tucked string tells, each hung bell's
Bow swung finds tongue to fling out broad its name ;
Each mortal thing does one thing and the same :
Deals out that being indoors each one dwells ;
Selves - goes itself ; myself it speaks and spells,
Crying What I do is me : for that I came.

I say more : the just man justices ;
Keeps grace : that keeps all his goings graces ;
Acts in God's eye what in God's eye he is -
Christ - for Christ plays in ten thousand places,
Lovely in limbs, and lovely in eyes not his
To the Father through the features of men's faces.

mercredi 6 février 2008

Wilhelm von Humboldt, Essai sur les limites de l'action de l'Etat


Humboldt, Essai sur les limites de l'action de l'Etat (1791, 1792), p. 24 (Belles-Lettres)
"Les anciens se préoccupaient de la force et du développement de l'homme, en tant qu'homme ; les nouveaux se préoccupent de la prospérité, de sa fortune, de sa capacité de gagner sa vie." [...] "chez les anciens, toutes ces institutions de l'Etat maintenaient et augmentaient la force active de l'homme. Et précisément ce point de vue, le désir de former des citoyens énergétiques et contents de peu, donna pourtant plus de ressort à l'esprit et au caractère" , et p. 25 "Dans les derniers siècles, ce qui attire surtout notre attention, c'est la rapidité du progrès, la quantité et la vulgarisation des inventions industrielles, la grandeur des oeuvres fondées. Ce qui nous attire surtout dans l'antiquité, c'est la grandeur qui s'attache à toutes les actions de la vie d'un seul homme et qui disparaît avec lui ; c'est l'épanouissement de l'imagination, la profondeur de l'esprit, la force de la volonté, l'unité de l'existence entière, qui seule donne à l'homme sa véritable valeur. L'homme, et particulièrement sa force et sa culture, voilà ce qui excitait toute l'activité ; chez nous, on ne s'occupe trop souvent que d'un ensemble abstrait dans lequel on paraît presque oublier les individus ; ou, du moins, on ne songe nullement à leur moi intérieur, mais à leur tranquillité, à leur prospérité, à leur bonheur. Les anciens cherchaient le bonheur dans la vertu ; les modernes se sont appliqués trop longtemps à développer la vertu par le bonheur [...]"

mercredi 23 janvier 2008

Communis

" L’unité des sens de munus se trouve dans la notion de devoir rendu, de service accompli, et celle-ci même se ramène à ce que Festus définit comme un donum quod officii causa datur. En acceptant un munus, on contracte une obligation de s’acquitter à titre public par une distribution de faveurs ou de privilèges ou par des jeux offerts, etc. Le mot enferme la double valeur de charge conférée comme une distinction et de donations imposées en retour. Là est le fondement de la " communauté ", puisque communis signifie littéralement " qui prend part aux munia ou munera " ; chaque membre du groupe est astreint à rendre dans la mesure même où il reçoit. Charges et privilèges sont les deux faces de la même chose, et cette alternance constitue la communauté ".
Emile Benveniste," Don et échange dans le vocabulaire indo-européen ", 1951 (L’année sociologique), in Problèmes de linguistique générale, p. 322.

samedi 19 janvier 2008

Ils avaient déjà commencé à disparaître en se transformant en leurs propres statues, auxquelles une époque rendait un culte.

Henri Meschonnic (Libération, 29 juillet 1982)

Mort de Roman Jakobson

Le linguiste qui vient de mourir n'était pas seulement célèbre parmi ses pairs. Avec Lacan et Lévi-Strauss, il fut l’un des trois mousquetaires du structuralisme triomphant (qui bien sûr étaient quatre avec Barthes). Lumineux linguiste et fou de poésie, Roman Jakobson installa son campement sur la frontière : au mont de la poétique. Pour Libération, Henri Meschonnic, familier de ce paysage, commente les traces laissées par Jakobson.

« Ce siècle s’en va. De disparition en disparition, ceux qui l’ont fait ne meurent pas, mais s’effacent. On ne sait ce qui précède, leur mort ou leur effacement. Ils avaient déjà commencé à disparaître en se transformant en leurs propres statues, auxquelles une époque rendait un culte. Barthes, Lacan. Comme les chahuts dadaïstes sont devenus des œuvres complètes, et des valeurs en salles des ventes.Avec Roman Jakobson (né en 1896), c’est un peu de la jeunesse vieillie du XXe siècle, qu’il tenait vivante en lui, qui s’en va. Roman Jakobson a représenté plus que tout autre, non seulement la linguistique, pour les linguistes et pour les non-linguistes, mais une double image des sciences humaines : celle de l’interdisciplinarité, et celle du primat de la linguistique à l’époque structuraliste. Un modèle épistémologique. Et un moment dans l’histoire des stratégies.C’est que Roman Jakobson n’est pas seulement un linguiste. C’est peut-être d’abord, de sa jeunesse à son grand âge, un futuriste qui est resté futuriste. Il n’y revient pas seulement dans ses derniers dialogues comme on revit son passé en vieillissant. II y insiste sur son intimité avec la peinture et les peintres futuristes, avec Malevitch, la poésie et les poètes du futurisme russe, parce qu’il ne s’est jamais départi du simultanéisme ébloui qui mêlait, au début de ce siècle, l’art et la science, les jeux de langage et de formes avec la popularisation de la relativité selon Einstein. Qu’il expliquait à Maïakovski. Ce futur a été son passé et son présent. C’est ce qui fait le caractère synthétique de son œuvre, son enthousiasme séducteur, la vitalité de son contact personnel, dont témoigne Krystina Pomorska, dans les derniers Dialogues, et les effets de charme de sa pensée. Lui qui a toujours vu en Khlebnikov, avec sa mystique des nombres, le plus grand poète du siècle, lui qui a écrit, après la mort de Maïakovski, " Sur une génération qui a dilapidé ses poètes ”, c’est le même qui donne pour homogènes la linguistique, la poétique, l’anthropologie, la théorie de l’information, la théorie de la traduction, les mathématiques, la psychologie, la biologie, la sémiotique. Il a fait une poésie de la linguistique autant qu’une linguistique de la poésie.Ses transhumances décrivent le paysage et l’histoire de la pensée du langage et de la littérature en ce siècle. Du Cercle linguistique de Moscou en 1915 au Cercle linguistique de Prague, puis à Columbia, à New York, pendant la guerre, et à Harvard et au Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.), son trajet représente plus qu’une série de migrations, il totalise et confisque presque, à son profit, le formalisme russe, le structuralisme linguistique de Prague, et la tension tenue entre linguistique et littérature, linguistique et anthropologie. Ce que marquent successivement ses liens avec Maïakovski, Troubetzkoy, Lévi-Strauss. Sa personnalité a absorbé le structuralisme au point qu’il en a été peut-être le représentant le plus illustre, au-dessus de toute analyse critique. Linguiste, mais philologue aussi, écrivant sur et en plusieurs langues, mais slavisant d’abord, son installation en Amérique n’a fait que marquer son caractère de grand européen. Non seulement parce que sa culture est pan-européenne, et aussi, pour l’essentiel, s’y limite, mais parce que les problèmes théoriques qu’il pose sont ceux d’une linguistique européenne.Jakobson a été l’incarnation du triomphalisme structuraliste, son moment le plus beau. Sa conférence de 1960, « Linguistique et poétique » (dans Essais de linguistique générale, chapitre XI) en est tout entière un chef d’œuvre, se terminant sur ce ramassé d’utopie : “ Chacun de nous ici, cependant, a définitivement compris qu’un linguiste sourd à la fonction poétique comme un spécialiste de la littérature indifférent aux problèmes et ignorant des méthodes linguistiques sont d’ores et déjà, l’un et l’autre, de flagrants anachronismes ” (p. 248). L’exemple célèbre en a été en 1962, avec Claude Lévi-Strauss, l’analyse des « Chats » de Charles Baudelaire (reprise dans Question de poétique).En incluant la poétique (c’est-à-dire l’analyse de ce qu’il y a de spécifique à la littérature) à l’intérieur de la linguistique, Jakobson donnait toute son autorité à la réduction formaliste de la littérature : l’analyse linguistique de la poésie non seulement restait dans le dualisme de la forme et du sens, mais renforçait, par son allure scientifique, une notion formelle de la poésie. Rendant invisible la contradiction par laquelle la linguistique, avec des concepts linguistiques, ne peut pas analyser la poésie, mais ne peut y voir que des formes linguistiques, qui présupposent une idée rhétorique de la poésie. Toute une époque a suivi. La scolarisation de ce structuralisme lui a assuré en extension ce qui lui manquait en compréhension. Le règne des structures a été, et est encore, celui des parallélismes, des enchâssements, des figures d’inclusion. D’où un triple glissement, de la poétique à la rhétorique, de la rhétorique à la stylistique, de la linguistique à la stylistique. Pourtant, plus que tout autre linguiste du XXe siècle, Jakobson a mis ainsi la poétique au centre des questions du langage. Le paradoxe de la poétique de Jakobson est de montrer les enjeux de la littérature sans pouvoir les dire - à moins de sortir de la linguistique. Aussi le modèle des six fonctions du langage, chez Jakobson, qui a le grand mérite d’interdire les réductions antérieures de la poésie à l’émotion (et le binaire poésie-émotion, prose-raison discursive) laisse-t-il la poésie dans un rapport ambigu à la “ fonction poétique ”, qui se manifeste aussi bien dans un slogan publicitaire. La perfection même des analyses structurales a mené le modèle structuraliste aux limites, reconnues depuis longtemps, des absences du sujet et de l’histoire.À la présence de la poésie dans le langage a correspondu celle de la poétique dans la linguistique. C’est sans doute ce qui compte, plus que le choix d’une poésie formalisée, sonnets ou poésie formulaire, qui restreint la poésie à une poésie, comme il restreint la poétique à une poétique. C’est le cadre et les limites de sa perfection dans l’analyse structurale. L’effort de scientificité bute sur les limites mêmes que suppose sa notion de la poésie, aussi la reproduction n’en est-elle pas tant une extension qu’un épigonalisme. Son extension est sa mise à l’épreuve. Sa continuité est dans sa critique.L’invention des concepts, chez Jakobson, s’est faite sur l’enjeu de la poésie : aussi bien le renouvellement de la métaphore et de la métonymie (et leur opposition plus sérieuse qu’efficace), que la notion de poésie de la grammaire. Mais si la poésie a une telle place, chez Jakobson, c’est qu’elle n’est pas séparable d’un enjeu plus important encore, et dont on dirait qu’elle le cache en le manifestant.En poétisant la pensée du langage, autorisant toute une époque à prendre Mallarmé et Artaud pour des théoriciens du langage, Jakobson menait, à travers la littérature, un combat qui déborde le théorique, contre Saussure. Là, comme pour tout linguiste, la représentation de Saussure est révélatrice. Et les héritiers l’ont encore simplifiée. Saussure est sommairement, représenté comme chez Bakhtine, par l’abstraction de la langue. Par là, I’enjeu est arbitraire du signe linguistique, c’est-à-dire le non-rapport originel du langage à la nature et des mots aux choses. Et tout l’itinéraire de Jakobson est marqué par un mouvement de plus en plus fort vers le rapport naturel des mots et des choses. Ce mouvement situait sa référence à la sémiotique de Peirce, jouée contre la linguistique le Saussure (par exemple dans « À la recherche de l’essence du langage » , dans « Problèmes du langage », Diogène n°51, Éditions Gallimard, 1966). Jusqu’à s’appuyer sur Joseph de Maistre (dans Main Trends in the Science of Language, New York, Éditions Harper, 1973),Cette poussée vers la motivation-nature est une stratégie qui se livre à travers la recherche du langage, en montrant que son enjeu la déborde L’enjeu est l’historicité du langage, des sujets, des sociétés, des valeurs. Et Jakobson, par sa lutte et ses arguments contre l’arbitraire du signe, permet profondément une alliance entre la linguistique et la phénoménologie, heideggérienne en particulier. Il maintient, sous couvert de science, un irrationalisme du rythme – sa continuité futuriste – qui n’a que la métrification pour garde-fou. Ce qui situe le privilège des métriques. C’est une pensée analogique, par Jakobson, en particulier, qui s’est étendue jusqu’à représenter une époque : analogie entre la linguistique et la biologie, révélatrice plus que toute autre, à travers la science cybernétique et la notion de code génétique, du rêve théologique qui continue de régir l’union des mots et des choses, le religieux dans le langage et dans le politique. Les problèmes techniques du langage y ont leur extension maximale.Jakobson les a portés à leur extension maximale. C’est plus par là que par la variété de ses recherches, de l’aphasie au folklore, qu’il a été de ceux qui font une époque. Mais la donne change sans cesse. Les programmes s’inaccomplissent. La maîtrise est sans doute l’identification totale d’une histoire et d’une question, et quel que soit son sens, par-delà tout hommage, par delà le musée, c’est la force de Jakobson. »

jeudi 17 janvier 2008

perspective renversée


Il serait curieux qu’une culture qui tenait la contemplation pour la plus pure activité de l’homme ait méconnu la profondeur. Simplement cette profondeur, c’est en nous que la creuse ce Dieu dont le regard nous scrute, nous pénètre. Elle s’exprimera picturalement par ce qu’on a nommé « perspective renversée » ou « négative », sans en comprendre la raison secrète. Si l’espace ne s’amenuise pas, mais bien s’évase vers l’arrière, si ses lignes ne convergent pas vers un foyer lointain, mais bien sur nous, ce n’est nullement parce que les mosaïstes sont de piètres observateurs ou de médiocres artisans, parce qu’ils ignorent les règles élémentaires de l’optique ou ne savent comment réduire les plans à l’horizon, mais parce qu’en inversant le sens de l’effigie il leur faut logiquement en inverser l’architecture. Désormais, au lieu de la source, nous sommes l’aboutissement de l’image et dans notre âme elle trouve son point de fuite, - et si, sur le mur d’or, elle semble grandir à mesure qu’elle s’éloigne, c’est que, sous son regard, nous diminuons. (Jean Paris, L’or de Byzance, dans Esprit, mars 1964, p. 420-421.

dimanche 13 janvier 2008